BD de mercredi : "Portugal" de Cyril Pedrosa

Pourquoi avoir lu ce livre ?

Parce le titre me parlait (fatalement). 

Parce que toutes les critiques que j'ai lues étaient dithyrambiques. 

Parce que je l'ai acheté lors de mon passage en France en Avril. 

Parce que je pars bientôt en vacances là-bas et que je savais que ce livre était pour moi.

Pour ceux qui, contrairement à moi, aiment lire les quatrièmes de couverture : 

"J'avais une furieuse envie d'acheter du tabac... 

Après deux ans sans fumer une seule clope... 

Le pire c'est que je m'en foutais copieusement. 

En fait, j'étais vraiment ravi d'avoir été invité par ce festival. 

Plus de vingt ans que je n'étais pas venu. mes premiers pas d'adulte dans ce pays. 

J'étais fasciné et heureux. 

Un vrai crétin. 

Et je me demandais bien d'où venais cette étrange colère puis cette douce mélancolie qui m'étaient tombées dessus sans crier gare en moins de 24h.

La vie est grise. Simon Muchat, auteur de bandes dessinées, est en panne d'inspiration et son existence est en perte de sens. 
Invité à passer quelques jours au Portugal, il retrouve par hasard ce qu'il n'était pas venu chercher : les odeurs de l'enfance, le chant des rires de vacances, la chaleur lumineuse d'une famille oubliée- peut-être abandonnée. 
Quel est le mystère des Muchat? Pourquoi Simon se sent-il nulle part?
Et pourquoi, sans rien comprendre à cette langue étrangère, vibre-t-il à ses accents? Des réponses et d'autres questions l'attendent au cours de ce voyage régénérateur. Ancré dans son passé gommé, Simon pourra enfin retracer sa propre trajectoire. Et la vie retrouver ses arcs-enciel.
Aux frontières de l'autofiction, avec humour et vivacité, Cyril Pedrosa signe - en couleurs directes et émotions immédiates - un récit essentiel sur la quête d'identité.

Ce que j'en ai pensé:

Mes attentes étaient très élevées et elles ont été comblées (enfin presque). 

J'ai aimé l'ambiance, l'histoire, les histoires de famille, la France, le Portugal, l'immigration, les personnages, la recherche de l'identité, les dessins pastels qui évoluent pour chacun des 3 chapitres, la division de l'histoire sous le point de vue de 3 générations d'une même famille, lire du portugais, lire du français, me retrouver dans certaines situations.

Première pages, Simon, enfant, est dans la voiture avec ses parents. il fait chaud, il vont au Portugal. Simon essaye de s'occuper comme il peut en jouant avec sa figurine de Goldorak... Je me suis tellement revue lorsque l'on faisait le long voyage sous un soleil de plomb. Ma mère écoutait du Fado. J'agonisais tellement sur la banquette arrière... Je vis encore un traumatisme quand j'entends du Fado : j'ai automatiquement la nausée :(

Page 100, Cyril Pedrosa met exactement le point sur mon malaise : "Un peu crispé sur le volant, je sentais renaître et grandir au creux de mon estomac une sensation familière. Une vague nausée de petit garçon. Celles des longs voyages en voiture que nous faisions en famille. Je l'avais longtemps crue, dans mes souvenirs, provoquée par l'odeur un peu écoeurante de la bagnole. Celle du plastique chaud... des restes de sandwichs... mêlée au défilement sans fin de paysage, de plus en plus aride... comme sur un manège infernal... dont on ne pourrait pas s'échapper.[...]"

Bref, tout ça pour dire que dès le début j'étais conquise avec l'histoire qui évoquait de forts souvenirs.

Ensuite, comme Simon, j'ai voulu connaître, moi aussi, l'histoire de ma famille. Comprendre pourquoi ils ont immigré en France, savoir s'il ont eu recours à des passeurs, savoir qui les a fait venir, comprendre pourquoi certains sont rentrés aux pays après quelque temps alors que d'autres vivent encore en France e t ne compte pas du tout en repartir...

J'ai aimé la lente évolution de Simon, son besoin de s'approprier doucement son histoire, celle de sa famille et de se reconstruire un peu aussi.

J'ai adoré le fait qu'il y ait autant de phrases portugaises dans le livre car je les comprends toute et je me demandais comment une personne non lusophone les lirai. Comme Simon, au départ elle doivent sembler complètement étrangères puis le lecteur doit s'y habituer. Pour ma part, ça m'a juste plongé en vacances en avance et j'en trépigne d'impatience maintenant.

J'ai aimé sentir le Portugal. 

Les dessins des lieux sont fidèles et on s'y voit. 

L'ambiance et les personnages sont crédibles.

L'histoire des immigrants est relativement commune à bien des immigrants et est parfaitement traitée par Cyril Pedrosa.

J'ai aussi beaucoup aimé toutes ces relations de famille. En commençant par le début avec les petites disputes de familles entre frères et soeurs et la mère puis avec les affinités de ces même frères et soeur quelques 20 ans plus tard.

J'ai aimé les voir évoquer leurs souvenirs d'enfance et les voir suivre des chemins de vie différent. J'ai aimé sentir que même adultes, avec leur vie qui est faite, le regard des autres membres de la famille est important (très /trop).

J'ai aimé voir la différence de crayonné pour chacun des chapitres et j'ai adoré les planches de fin en cafouillis. 

Mon seul bémol est dans le dessin des quelques planches. Je n'ai pas aimé, par exemple, les images où Simon est immergé ... trop de contraste avec le reste : l'absence de décor permet de plus focaliser sur les traits des personnages et ils me semblaient alors trop secs. 

Verdict :

Une histoire que j'ai dévoré mais pour laquelle je n'ai pas pris le temps de bien prendre mon temps ... 

Une histoire que je vais relire mais tout doucement pour mieux apprécier les détails qui m'ont échappé.

Une histoire qui fera résonner plusieurs souvenirs des familles immigrantes avec la question fondamentale pour tous : "Est-ce que je suis le pays où je suis né ? ou est-ce que je suis, peu importe le pays?..." (p 197)

Note : 8.5/10

Bonus 1 : Quelques planches

Bonus 2 : De beaux billets ici : Mango, Papillon, Yaneck, Yspaddaden

Bonus 3 : D'autres BD du mercredi chez Mango